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#1 15-04-2017 16:22:32

Djillali
Membre
Lieu: algerie
Date d'inscription: 01-12-2016
Messages: 126

Ma colline.

Ce texte est dédié à tous les miens de Boukhanfar de par le monde, à tous mes amis et surtout à une amie marocaine qui me fait l'honneur de me lire depuis longtemps.
Merci à elle.

" Celui à qui la nature commence à dévoiler ses secrets éprouve un désir irrésistible de connaître son plus digne interprète, l'art divin. "

" Celui à qui la nature commence à dévoiler ses secrets éprouve un désir irrésistible de connaître son plus digne interprète, l'art divin. "
On gravissait une colline de 600 m à peu prés et le sommet s'invitait éternel devant nos yeux conquis

On arrivait enfin chez moi.
Mon lieu d'origine, mon havre de naissance.
Ce Boukhanfar de mes aïeux dont l'appellation se confond avec le prénom du premier propriétaire familial de la colline .
Elle répondait au prénom du premier des Boutiche de Thenia qui etait venu avec sa famille de Tizi dans la wilaya de Mascara s'installer ici, il y a 6 ou 7 siècles.

La route goudronnée et carrossable partait de Thénia à Zemmouri par la montagne.
Elle sinuait , slalomant les nuages par temps gris
La montée rude et abrupte s’atténuait par ci, par là, de replats qui adoucissaient une pente vertigineuse par endroits.
Pour arriver chez moi,on passait par des lieux-dits .
Le plus charmant c'etait Essaf-saf, un endroit féerique de fraîcheur où , à chaque fois, ma famille et moi, en route pour notre lopin de terre, on se permettait une courte halte, car la grimpée était trop abrupte à faire d'une traite.
Là, un mince filet d'eau claire coulait entre les peupliers toujours verts, aux feuilles argentée et tremblantes dont le coin tirait son nom.
Il coulait même en été, les hivers fastes.

On se plaisait mes soeurs,mes frères et moi, à tremper nos pieds endoloris dans les eaux fraîches pour calmer les ampoules que des chaussures, souvent pas à la pointure voulue, se faisaient un malin plaisir de nous offrir à chacune de nos escapades champêtres.
Ça faisait toujours rigoler Houria devant l'air dégoûte de Brahim son cadet qui marmonnait toujours entre ses dents son humeur bruyante et maussade
On se désaltérait toujours, en rituel apprécié, à la source toute proche dont les eaux étaient de renommée locale emblématique d'une région.

A Essaf-saf,mon père prenait toujours le temps d'aller saluer son cousin dont la petite ferme s'ornait d'une majestueuse maison magnifique aux murs peint en blanc. Puis, un dernier coup de rein, on repartait, les genoux et les reins pliés en deux, tant la cote était rude.
Mais autour de nous quel spectacle, nom d'une pipe !

Au fur et à mesure que l'on avançait vers le pic rocheux de Sidi faradj, nos yeux se remplissaient d'une nature généreuse et belle, à vous donner des yeux embués qui avaient avant tendance à s’échapper rejoindre cette féerie qui les enchantait à travers le vert des lentisques humbles aux petites boules noirâtres à maturité, faisant la bonheur des nuées d'étourneaux de passage, par la beauté d' arbousiers altiers dont les baies rouges en forme de fraise nous enivraient allègrement à moindre coût et enfin par la majesté d'oliviers ancestraux, véritable sacré symbole d'une région
A leurs pieds verdoyaient diss dont la chevelure descendant jusqu'au sol abritait les nichées de perdrix à la mi-mai et doum dont les feuilles palmées et colorées nous offraient sous les doigts habiles de mon grand-père nattes, paniers et chapeaux ravissants.
Par ci, par là ,des myrtilliers aux feuilles persistantes vont bientôt se charger avec ardeur de "chelmounes" violettes dont je raffolais et que ma maman nous préparait parfois en tartelettes savoureuses.

Puis , soudain,entre deux rangées de chênes-lièges, par un raccourci portant bien son nom, on débouchait sur un sentier de chèvres qui conduisait droit vers chez moi.
Bekkar, pour ne pas le nommer,nous amenait par un chemin qui serpentait entre les terres de Si Moh mon cousin, celles des Talamali nos voisins immédiats et celles des Doumaz qui leur étaient mitoyennes.
Les lopins étaient tous travaillés avec amour car en ces temps de disette où l'argent était rare, tous faisaient de la culture vivrière.
On y voyait des parcelles de pomme de terre côtoyer carrés d'ail et d'oignon.
Sur les bordures des carrés de légumes poussait du mais en haie et quelques plans de melons dont les fruits odorants commençaient à mûrir et parfumaient le sentier.
On se plaisait même à y découvrir , haricots grimpant sur leurs roseaux , et fèves vertes dont les gousses longues et gonflées de fruits se plaisaient à répondre fièrement au doux nom de sbou3i en raison du nombre de fèves que contenait chacune d'elle.
Nous ne manquions jamais d'en cueillir quelques gousses que nous dégustions avec plaisir. j'en raffolais surtout accompagnant un mesfouf-huile d'olives maternel, à l'odeur caractéristique de saison, accompagné d'un lben fermier, mottes de beurre jaunes surnageant sur une blancheur qui mouillait les papilles bien avant que d'y goûter.

Ma mère, en artiste accomplie,y ajoutait des petits pois très tendres, cueillis le matin même, dans le potager paternel.
Et les grains de couscous blancs et fondants qu'elle roulait elle-même, parfumés d'huile, de smen ou de beurre s'ajoutaient à la magie culinaire de l'ensemble.
C’était simple, frugal mais délicieux et tellement nourrissant.
Je mangeais même la peau de la gousse de fèves que je préférais aux fruits tant elle était tendre et d'un gout très fin.
Ce repas je ne l'aurais pas échangé pour tous les mets du monde.
J'y sentais l'odeur sacrée des mains de ma maman

On continuait à crapahuter,suant, le souffle court, dix bonnes minutes et, là, après un dernier effort, la féerie commençait.
Mon père ouvrit la petite porte en bois vermoulu qui tenait à l'aide d'un bout de fil de fer.
Ici pas de murs.
Pas de béton.
Pas de serrure ni de clef.
A peine une haie haute de plans de figues de barbaries, sur les palmes desquelles, jetaient leurs tentacules enchevêtrées et épineuses des mûriers sauvages, très envahissants, dont les baies noires et juteuses étaient très appréciées des bambins que nous étions.
On se faisait un plaisir d'enfant à les déguster fourrées et pressées dans un roseau évidé qui ne laissait couler que le jus.Un nectar dont mon palais garde encore la saveur sur la pointe de la langue.
J'en salive encore.
Oui de mon enfance heureuse , j'ai gardé le gout des choses simples.

Ces épineux,les paysans s'en servaient comme clôtures surtout contre les sangliers et les porcs-épics qui détruisaient leur plantation et saccageaient les cultures.
La porte franchie, on débouchait sur nos terres.
Expression pompeuse qui désignait un terrain de moins d'un hectare travaillé avec amour.
Il y avait toujours sous les figuiers, pruniers et pommiers nains des carrés de légumes très variés dont les périmètres tracés au cordeau donnaient harmonieusement à l'ensemble l'image magnifiquement belle d'un travail fait avec amour, sérieux et compétence.
Pas un mètre carré des trois banquettes de terre n’était laissé en jachère tant le besoin en légumes frais se faisait sentir.

Tout en haut, adossée à la clôture d'épineux, notre maison.
Impériale de simplicité.
Des murs en pierres et terre glaise, armée de paille séchée, érigeaient des murs très larges à l’intérieur desquels des akoufi dont l'ouverture fermée par des ronds de liège, en forme de grandes jarres en terre creusées dans le mur abritait les figues séchées au soleil sur lesquelles on saupoudrait de la farine, les grains de blés, les fèves sèches, les poids chiches, les petits poids, les haricots blancs du jardin etc.
On y mettait même son huile d'olive .
A faire les fourmis durant l’été, on affrontait les rigueurs de l'hiver l'esprit en paix.
La maison se composait d'une pièce unique avec une poutre, une rkiza centrale qui soutenait allègrement la couche parentale.
Une âtre en forme d'un foyer à cheminée pour les repas qu'on prenait à même le sol et l'essentiel était là.
La toiture en tuile rouge-brique donnait à l'ensemble une touche d'originalité très recherchée à l’époque.
Dans la cour, une treille de muscat dattier qui couvrait toute la surface, donnant ombre et raisins savoureux et dorés à un point tel que les petits pépins noirs apparaissaient à contre jour.
Les grappes énormes, une fois mûres, se dégustaient avec respect et délice tant la consistance et le gout étaient si particuliers et si savoureux.

Au dehors un pin en forme de cône jouxtait la maison et abritait tous les oiseaux du voisinages qui pépiaient la journée durant.
Quand on avait de la chance, on entendait de bon matin, la mélodie envoûtante d'un chardonneret qui chantait sa joie d’être libre , vous donnant envie de célébrer avec lui la beauté de la nature printanière en fête qui se libère et se livre à vous dans toute sa splendeur...

A quelques mètres de la demeure familiale, un puits.
Un puits creusé par mon père lui-même et dont nous tirions l'eau qui nous était nécessaire.
Bambins, ils nous arrivait souvent de grimper l'immense eucalyptus qui se dressait majestueux aux limites de notre propriété .
Tout en haut, on restait des heures à contempler la mer si proche qu'on avait parfois tendance à tendre la main.
On s'imaginait, marin, voguant sur les mers déchaînées, allant de pays en pays, naïfs que nous étions déjà de vouloir quitter l’éden, ce paradis sur terre qui nous tendait amicalement, chaleureusement la main.


Ce Paradis, ce Boukhanfar de mes rêves, ces terres de tuf sur lesquelles se sont échinés mes aïeux et où je suis né , ces terres dont la magie ne cesse d'enchanter mes yeux et mon esprit conquis depuis déjà.
Ce lieu de rêve dont mes yeux ont été privés deux décades durant,à cause des
actes sanglantes d’énergumènes poilus et chevelus, en armes, l’âme noire, dont la présence menaçante a fait fuir les habitants vers les villes limitrophes et interdit de jour comme de nuit l’accès à leur terres à ceux qui venaient juste se ressourcer dans les terres ancestrales ou y travailler.
Ce fut la pire période de ma vie , celle où mon paradis me fut fermé durablement.

Ce lieu paradisiaque où mon âme s'ajoutant à celles des miens passés ou présents parlaient à ces mottes de terre,à cette colline, à ces arbres généreux, aux murs des maisons ,à cet azur perpétuel du ciel,à ce paysage de rêve où la montagne se jette dans la mer en un plongeon interminable, amoureux, lascif et éternel, qui semblait, oh miracle de je ne sais quoi, , leur répondre mais parfois, plaintifs en lieux qui ont assisté à l’innommable et qui restent, cependant, porteurs d'espoirs et d'une affection qui me réconforte car très partagée.

C'est le seul endroit de la terre où ce que j’éprouve, en mon for intérieur, ne se raconte pas.
Et cette sacrée nostalgie qui toujours me serre le cœur, me comprime la poitrine en sanglots retenus et souvent embue mes yeux vieillis.

Dernière modification par Djillali (17-04-2017 22:14:29)

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